Fantastyle 2

Publié le par dagane

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Les deux frères trouvent un moyen de rentrer à leur village, se font passer un savon, et s'aperçoivent qu'il y a manifestement un gros problème.

Le sourire bienheureux qu'ils affichaient sur leur visage quelques minutes auparavant semblait bien lointain pour quiconque observait leur visage à cet instant précis. Shaylon frissonna et, d'une voix rauque qu'il ne se connaissait pas, il demanda :

 

« C'est quoi ce délire, bon sang ? »

 

« J'en sais pas plus que toi, je te rappelle, avança le cadet, mais je pense qu'on ne devrait pas tarder dans le coin. »

 

« Pour une fois que tu dis quelque chose d'intelligent », répliqua aussitôt son frère.

 

Brannon, cette fois, ne jugea pas utile de répondre. La voix de Shaylon manquait de conviction et cela lui faisait plus peur que la situation dans laquelle ils étaient tous les deux. Aussi loin que l'adolescent s'en souvienne, son grand frère était toujours présent dans les situations difficiles et prenaient tout le temps les choses en main. Même si cet aspect de sa personnalité avait quelque chose d'irritant, le garçon reconnut en lui-même que cette fois-ci, il n'aurait pas rechigné à ce que l'opération se répète. Aussi reprit-il après un long silence.

 

« Bon, on fait quoi, on bouge ou tu as l'intention de camper là ? »

 

« On bouge, évidemment, répondit Shaylon d'un ton sarcastique et finalement rassurant. On ne va pas rester là pour se faire surprendre... »

 

« Euh, ben, je crois que c'est un peu tard, frangin... »

 

L'aîné, qui regardait son cadet, vit ses yeux s’écarquiller de peur et son visage pâlir encore plus si cela était possible. Il se retourna et vit un groupe d'hommes avec à sa tête une femme, probablement celle qu'ils avaient vu partir en hurlant. Ce fut à son tour de pâlir. Il ne murmura qu'un mot, mais Brannon ne le fit pas répéter : il s'élança à l'opposé du groupe qui venait vers eux, talonné par Shaylon et poursuivi par les autres.

 

La peur s'était emparée d'eux et l'adrénaline les propulsa dans un état second. Ils avalèrent le terrain qui s'était devant eux, grimpant la colline, mais les poursuivants semblaient gagner du terrain. Bientôt, les cris de vociférations se firent entendre. Bientôt, le point de côté fit son apparition et encore bien trop tôt pour eux, le bruit des pas se fit entendre derrière eux.

 

Le sommet de la colline se dessina alors et Shaylon, embrassa le paysage qui s'étendait devant lui : des collines à perte de vue et quelques villages. Il crut même reconnaître Newcombe, avec ses quelques maisons et l'arbre de la place principale. Il n'eût pas le temps de s'attarder, ni de vérifier et dévala la pente à grande enjambées. Brannon suivit et ils reprirent un peu d'avance sur leurs poursuivants, n'hésitant pas à faire des roulades lors des chutes pour ne pas perdre de temps.

 

Cependant, quand le terrain redevint plat, il ne fallut qu'une minute pour qu'ils se fassent rattraper puis immobiliser. Un homme de haute taille, brun, transpirant à grosses gouttes, les épaules larges s'avança alors.

 

« Vous croyiez peut-être que vous alliez pouvoir fuir votre crime ? Vous allez venir avec nous et passer devant le juge ! »

 

« Hein, répondit alors le plus jeune garçon. Vous plaisantez ? On a rien fait, nous ! »

 

« Vraiment ? Et pourquoi vous avez fui ? »

 

« Parce que, quoiqu'on dise, on savait que vous ne nous croiriez pas ! »

 

« C'est évident, tout est contre vous ! »

 

Un autre homme s'avança à ce moment là, un homme sans âge, ridé, les cheveux blancs, le regard alerte. Il examina le visage des adolescents, leur allure, fit le tour d'eux. Il revint leur faire face et parla d'une voix étonnamment claire et posée.

 

« Ces gamins ne sont pas coupables. Il suffit de voir leurs vêtements, il n'y a pas une seule goutte de sang sur eux alors que les blessures prouvent le contraire. En plus, ils peuvent sûrement expliquer ce qu'il faisait là ? »

 

« Bien sûr, répondit Shaylon, Nous sommes des O’Connor, nous venons de Newcombe et, en fait, nous avons profité de la fête du solstice pour nous esquiver et aller examiner les alentours ! On a marché toute la nuit et nous voilà. »

 

Un lourd silence suivit la déclaration du garçon. Brannon lança un regard étonné à son frère et patienta. Ces gens semblaient, de tout évidence, surpris et surtout, ils ne semblaient pas les croire.

 

« Le solstice est passé depuis dix jours, affirma le vieillard. »

 

Nouveau regard entre les deux frères. L’inquiétude se mêla alors à l'étonnement. Ils étaient partagés entre la peur que les gens ne les croient pas et l'interrogation sur la dizaine de jours passée. Qu’avaient-il pu faire pendant ce temps ?

 

« De toute évidence, il y a quelque chose qui ne va pas ici, reprit l'homme en face de lui. Je crois que vous allez finir en prison... »

 

Le ton était carnassier et si l'homme était juge, ils étaient déjà condamnés. La panique commença à s'insinuer en eux mais le vieillard reprit la parole à nouveau. Décidément, ces gens aimaient jouer avec les nerfs des étrangers !

 

« C'est inutile, Moran Mac Carthy. Le juge, c'est moi, et je dis que ces enfants sont innocents. Les marques sur ce pauvre Edwin ne peuvent pas pas avoir été fait par ces gamins. »

 

Shaylon s'offusqua devant cette appellation. Il avait quand même quinze printemps, son frère était encore un gamin, lui, plus du tout. Cependant, quand le vieillard lui fit un clin d’œil tellement discret qu'il douta qu'il ait eu vraiment lieu, la confusion fut totale. Alors, il laissa faire. En espérant que cet homme savait ce qu'il faisait.

 

« D'accord, juge, je me fie à vous, répliqua le dénommé Moran au terme d'un long silence. Vous deux, vous feriez bien de rentrer chez vous, vos parents vont se faire du soucis. Ah, petit conseil, je ne sais pas ce que vous avez fait le soir du solstice, mais ne recommencez pas, vous n'aurez pas toujours un juge pour vous sauver la mise. »

 

Trop heureux de s'en sortir à si bon compte, Shaylon adopta profil bas et hocha la tête. Brannon, incrédule, regarda autour de lui.

 

« Vous voyez, derrière cette forêt ? Newcombe se trouve là-bas. Ne tardez pas trop, conseilla Moran. Rentrez-bien ! »

Le groupe repartit, la femme leur jeta un regard noir qui les fit frissonner. Le cadet s'assit, une fois le groupe parti, et soupira.

 

« Attends, frérot, ils viennent de dire dix jours ou j'ai le cerveau qui déraille ? »

 

« Je te rassure, ta relation avec Leena n'a pas totalement détruit ton pauvre cerveau dégénéré. Il a bien dit dix jours. »

 

« C'est juste pas possible, Shaylon. Incroyable. Qu'est-ce qu'il a bien pu se passer, bon sang ? » demanda le garçon assis sur l'herbe.

 

Signe qu'il était perturbé, il n'avait pas réagi à la pique de son frère.

 

« Finalement, ton cerveau a pris un choc... Maman va me tuer, je n'ai pas pu protéger le cerveau son pauvre petit Bra-Bra. »

 

« Ne m'appelle pas comme ça ! Ah, pesta l'intéressé, qu'est-ce que tu peux m'énerver ! »

 

« Allons, Bra-Bra, ne t'énerve pas. On rentre à la maison, les parents doivent se faire assez de soucis comme ça. »

 

Et c'est ainsi qu'ils prirent la route. Chacun garda le silence pendant une bonne partie de l'après-midi, cherchant des réponses qu'ils ne trouvèrent pas. Le soleil tapait vraiment dur et ils cherchèrent les coins ombragés. La plaine s'étendait quand même relativement loin et seuls quelques arbres parsemaient l'endroit. Par chance, l'un deux leur fournit des fruits qu'ils dévorèrent.

 

Comme si un dieu bienveillant les chaperonnait, un chemin large et clair coupait la forêt en deux, et une Lune quasi-pleine vint les regarder, dispensant une lumière vive et blanche sur les alentours. D'un commun accord, ils préférèrent continuer sans s'arrêter dormir. Shaylon avait peur que Brannon veuille quand même dormir, mais il était évident qu'il se sentait aussi oppressé que lui-même l'était. Il sentait qu'il se passait des choses inhabituelles. Pas seulement le corps retrouvé, mais un sentiment d'étrangeté qui ne le quittait plus.

 

Au milieu de la nuit, ils émergèrent de la forêt. Hagards, chacun ne disait plus rien depuis des heures. Ils avançaient de façon mécanique, un pas après l'autre, qui recommençait par un autre pas, et ainsi de suite. Il fallait avancer, surtout ne pas s'arrêter, ne pas penser à ce qui pourrait arriver s'ils s'arrêtaient, ne pas penser aux dix jours, juste penser à mettre un pied devant l'autre. Encore, encore et encore.

 

Newcombe finit par apparaître au loin et ils forcèrent le pas. La fatigue commençait à se faire ressentir et les douleurs aux pieds aussi. Shaylon serrait les dents, tout en gardant un œil sur son frère. Jamais il ne l'avait vu avec un visage aussi fermé. Il semblait avoir vieilli précipitamment. Alors, il l'imagina avec Leena. Sérieusement, à quoi ce gamin pensait ?

 

Le jour s'était levé depuis un moment sur le village le plus calme et le plus tranquille qui existe quand ils y entrèrent. Tête basse, ils se dirigèrent vers leur maison. On chuchotait sur leur passage. Mais leur esprit était dirigé vers leur objectif : rentrer.

 

Leur maman, prévenue par une voisine les attendait sur le palier, les mains sur les hanches, ses cheveux blonds en bataille et les yeux jetant presque littéralement des éclairs. Shaylon regretta presque d'être rentré car il savait ce qu'il allait se passer.

 

« Mais où est-ce que vous étiez passés, hurla-t-elle ! Ça fait trois jours qu'on est sans nouvelles de vous ! Vous n'imaginez pas le soucis qu'on a pu se faire, votre père et moi, depuis votre disparition ! Cela ne va pas se passer comme ça ! Quand votre père rentrera, nous déciderons de ce qu'on va faire de vous. Quand on voit vos têtes, on ose même pas imaginer ce que vous avez trafiqué ! J'espère juste que ça va pas nous retomber dessus ! Allez, filez dans votre chambre, je ne veux plus vous voir!»

 

Ils obtempérèrent sur le champ et rejoignirent leur lit respectif pendant qu'au dehors, on entendait Arwydd râler contre eux, leur inconscience et plein d'autres choses qu'ils n'écoutèrent pas.

 

Une fois changés et couchés dans leur lit, ce fut Brannon qui parla.

 

« Shaylon », interpella le garçon d'une voix ensommeillée et déjà lointaine.

 

« Oui ? », répondit la voix lasse de l'aîné.

 

« Depuis quand Maman est blonde ? »

 

 

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