Fantastyle 12

Publié le par dagane

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Les quatres jeunes gens sont condamnés à être pendus en place publique à Syr. Vala et Dunmore leur sauvent la mise in extremis. Leena est grièvement blessée au cours de l'évasion, et refuse de se faire soigner par Vala. Elle l'attaque sur son lien de parenté et Vala confirme qu'elle a été adoptée par le couple Aldwell.

Il fallut un certain temps aux trois garçons pour assimiler la nouvelle et encore plus de temps pour comprendre ce que cela signifiait. Si Vala est bien morte à la naissance dans leur réalité aussi, qui pouvait-elle bien être ?

L'oracle, de son côté, semblait satisfait de son effet. Il reprit une bouffée de fumée et attendit. Il avait l'air de s'amuser comme jamais. Shaylon fut le premier à reprendre la parole.

 

« Admettons que Vala ne soit pas la fille de Breasal et Kenzie. Après tout, c'est possible, qui sait ? La question qu'on aimerait vous poser, c'est comment on fait pour rentrer chez nous ? »

 

« Ah, ça c'est une question qui me plaît ! Voyez-vous... »

 

Il s'interrompit et deux secondes plus tard, la porte s'ouvrit en grand et Ehnlota entra.

 

« Excusez-moi, votre Excellence, mais nous devons jugez ces criminels au plus tôt. »

 

« Je le comprends tout à fait, Commandant. Faites. »

 

Les trois concernés se retrouvèrent entre un groupe de garde qui les emmena directement dans une salle pleine de monde. Leena les rejoignit quelques minutes plus tard. D'un regard, elle comprit que la situation était désespérée. Le commandant s'était mis face à eux et un homme relativement jeune entra par la porte de droite. Tous comprirent qu'ils allaient être jugés séance tenante.

L'ambiance était clairement hostile, maintenant qu'ils savaient pourquoi. D'instinct, Leena se rapprocha de Shaylon et ce dernier la laissa faire. Il se reprochait de l'avoir emmené dans cette histoire. Après tout, sans eux, elle aurait vécue tranquille sans risquer d'être condamnée à mort.

Lorsque le juge s'assit sur son estrade sommaire, tout le monde se tut.

 

« C'est un jugement exceptionnel qui va être rendu aujourd'hui. En effet, nous avons les accusés de trois meurtres au moins devant nous : celui de Spillane, un de Newcombe et un autre, ici, à Syr. Comment ne pas les relier à d'autres dont le modus operandi est identique ? »

 

Le public cria son assentiment. Le juge sourit et leva la main pour rétablir le calme.

 

« Ce sont des morts barbares dont nous ont affligé ces quatre personnes... »

« Mais ce n'est pas vrai ! » répliqua Brannon.

 

« Très original comme réponse. Vous auriez pu trouvé mieux pour vous défendre, jeune homme. »

 

« Elle n'a rien fait. » ajouta-t-il en désignant Leena.

 

« Silence ! Vous parlerez quand vous en donnera l'occasion. Si elle se présente. »

 

« Mais... »

 

« J'ai dit silence ! Sinon, je vous condamne. »

 

Étrange procès en vérité. La justice de Duun était rendu par un juge et les accusés avaient le droit de s'expliquer sur leurs actes. Habituellement. Là, leur cas était différent de toute évidence. Satisfait, le juge reprit.

 

« Bien, je préfère ça. Si vous n'avez rien d'autres à ajouter, je pense qu'il est temps de rendre le verdict. »

 

Les quatre accusés se mirent à parler en même temps, ce qui créa un véritable brouhaha incompréhensible durant quelques secondes. Quand ils se turent, un homme parla dans l'assistance. Shaylon le reconnut : c'était le juge de Spillane. Devant cet autre juge, celui qui présidait le procès lui laissa la parole. Sa voix était toujours aussi posée mais bien plus hostile.

 

« Je suis le juge de Spillane. Nous avons ces deux garçons près du corps d'un être cher et j'ai cru à l'époque à leur bonne foi. Aujourd'hui, à la lumière des nouveau faits, je me demande si je ne me suis pas trompé. »

 

La sympathie dont il avait fait preuve avait fait place à une haine à peine dissimulée. Leena frisonna et sa main frôla celle de Shaylon. À ce contact, il sursauta.

 

« Bien très bien, merci, cher confrère. Quelqu'un d'autre veut intervenir ? Quelqu'un veut les défendre ? »

 

« Il pourrait venir nous aider, l'aveugle » râla Brannon.

 

« Malheureusement, je crois que ça ne nous aiderait pas. Nous sommes déjà condamnés. Ce n'est qu'une parodie de jugement, regarde le juge ! Il va falloir un vrai miracle pour nous sortir de là... » répondit Shaylon dans un souffle.

 

« Personne ? Très bien, dans ce cas, je vous condamne à la mort par pendaison.

 

« Mais c'est injuste, cria Dunmore, vous n'avez aucune preuve contre nous. »

 

« Nous n'en avons pas besoin. Je sais voir des criminels quand j'en vois. Il faut être stupide pour rester à côté des gens que l'on tue quand même. »

 

« Mais c'est pas nous ! Vous n'avez pas trouvé une seule trace de sang sur nous, personne ne nous a vu tuer ces gens... »

 

« Vous avez eu de la chance que personne ne vous voit. Mais pas assez pour ne pas vous faire prendre. La sentence sera exécutée demain à midi. »

 

Le public explosa de joie à l'énoncé du verdict. Les futurs pendus échangèrent des regards et la main de Leena vint serrer celle de Shaylon. Ce dernier ne la retira pas.

Ils furent conduits dans le silence dans une cellule sombre et humide, directement sortie d'un conte de fée. Ils étaient tous abattus et, pendant que Dunmore cherchait une issue, Leena laissa exploser sa colère.

 

« Tout ça, c'est de votre faute, vous êtes dangereux ! Qu'est-ce qu'il m'a pris de m'accrocher à toi, c'était une belle erreur, Shaylon O'Connor ! Et dire que je vais payer ça de ma vie... Je n'ai que treize ans, je suis trop jeune pour mourir... »

 

Et elle éclata en larmes. Désemparés, les deux autres la laissèrent pleurer. Dans un sens, elle avait raison. Même si ce n'était pas leur faute, sa présence auprès d'eux aller la tuer. Il s'assit à même le sol et laissa son cerveau divaguer. Finalement, il n'y a que Vala qui s'en sortirait et si elle était un peu maligne, elle survivrait dans ce monde à la fois si semblable au leur mais aussi si différent.

Le temps passa lentement, chacun était assis dans son coin. Dunmore avait arrêté de chercher un moyen de s'enfuir et les têtes étaient basses. Leena avait cessé de pleurer et la journée défila. Le repas qu'on leur servit ce soir-là était le plus mauvais qu'ils avaient jamais manger de leur vie. Mais c'était le dernier. La lune était levée depuis un long moment quand Shaylon s'endormit.

 

Un seau d'eau glacée le réveilla le lendemain avec un rire tonitruant. Le garde se retourna et tendit un plateau.

 

« Je vous apporte le repas du condamné. »

 

À l'énoncé de cette phrase, les yeux de Leena s'écarquillèrent et la peur noua encore plus, si cela était possible, les ventres. Brannon s'éloigna, très pâle et vomit. Shaylon n'eut même pas un sourire, n'étant guère plus brave devant le sort qui les attendait.

Dehors, du bruit se fit entendre. On s'agitait. Sans doute installaient-ils les cordes et le public se rassemblait. Le soleil montait dans le ciel bleu et pur de Duun, signifiant que l'heure fatidique approchait. Dans le couloir des bruits de pas. Shaylon se pinça pour vérifier une dernière fois qu'il ne rêvait pas. La marque violette due à la répétition du geste prouvait le contraire. On vint leur ouvrir alors la porte. Une voix alors connue leur parla alors.

 

« Vous feriez mieux de vous dépêcher, on a pas la matinée. »

 

« Vala ! » s'écrièrent alors Brannon et Shaylon.

 

« Mais taisez-vous, bon sang, on va se faire prendre sinon ! »

 

Les deux frères sourirent. L'espoir revenait.

 

« Suivez-nous, nous allons à l'écurie, » dit alors Dunmore.

 

Les autres emboîtèrent le pas et suivirent les deux arrivants. Pas le temps pour les questions, il fallait fuir à tout prix. Ils croisèrent un garde assommé et bâillonné, puis un autre. L’œuvre de Vala et Dunmore, de toute évidence.

 

« Je veux bien que la sécurité soit mauvaise, dans ce palais, mais de là à ce qu'on puisse d'échapper comme ça... »

 

« On y est pour rien ou presque. Quand on est arrivé sur la place, ils étaient en train de monter l’échafaud, et soudain, il y a eu une ruée de garde vers l'intérieur. On a décidé de tenter notre chance et là, il y a un cheval qui s'est emballé dehors. Donc, du coup, ça courait un peu partout. Facile pour arriver à vous en somme » acheva Dunmore.

 

« Silence, intima l'autre Dunmore. Il y a du monde dans l'écurie. »

 

Ils regardèrent s'il n'y avait pas de garde pour s'occuper d'eux et que leur attention était toujours occupée ailleurs. Ils marchèrent d'un pas rapide pour franchir les quelques vingt mètres qui séparaient la prison de l'écurie. Les deux Dunmore se jetèrent sur les deux gardes, vite aidés par Leena, Brannon et Shaylon. La peur décuplait leur force.

Ils prirent les seuls chevaux qui étaient disponibles dans le bâtiment : le couple Dunmore/Vala monta en selle, Leena monta devant Shaylon et Dunmore, le second, se retrouva avec Brannon.

Ils se mirent en ligne et le Dunmore accompagné de l'adolescente chargea. Les autres lui emboîtèrent le pas. Ils atterrirent sur la place, en plein soleil et aux yeux et sus de tous. Les gens, prudents, s'écartèrent sur le passage et leur progression fut aisée sur le départ. Cependant, les gardes finirent par comprendre ce qu'il se tramait et des ordres fusèrent. Le cheval de tête, sous la direction de l'apprenti chevalier, prit la direction d'une rue assez large et plutôt dégagée. La foule mettait plus de temps à s'écarter et la garde commençait à s'organiser. Brannon alors avertit les autres.

 

« Grouillez-vous devant, la foule commence à nous poursuivre ! »

 

En effet, la foule amorçait un mouvement vers eux. Heureusement, la rue était à portée et ils s'y engouffrèrent. Les cloches d'alerte sonnèrent, les cors hurlèrent et la poursuite s'amorça. Les cavaliers lancèrent leur cheval au galop. Dunmore semblait savoir où il allait. Quand Brannon se retourna, il aperçut un chariot de marchand qui traversait la rue et qui fut percuté par des gardes, le renversant et gênant grandement la circulation. Un peu rassuré, il se concentra sur le chemin qui se dessinait devant eux.

Ils prenaient de la vitesse et chacun resta vigilant. Ils espéraient approcher de la porte de la ville rapidement, avant qu'ils ne décident de les fermer. Alors que Dunmore y pensait, elle apparut. Cependant, entre eux et la sortie, il y avait des gardes. Et de chaque côté de la route, il y avait des archers. Il avait ralenti, mais il relança son cheval à pleine vitesse en criant.

 

« En avant ! Baissez-vous ! »

 

Les cavaliers et les passagers obéirent et se firent le plus petit possible. Le bruit que faisait les flèches en passant près d'eux était effrayant et Shaylon crut qu'ils ne s'en sortiraient jamais indemnes. Il leva un œil au moment où ils allaient percuter les gardes, qui s'écartèrent à la toute dernière seconde d'un plongeon sur le côté. Le passage était libre. Ils s'y engouffrèrent sans hésitation. L'après-midi promettait d'être longue aussi, une fois éloignée de la ville, Dunmore fit ralentir les chevaux. Ils descendirent et c'est à ce moment-là qu'ils virent que Leena était touchée. Les flèches n'avaient pas toutes raté leur objectif, malheureusement. Shaylon aida la jeune fille à descendre. Elle saignait abondamment et ils l'allongèrent dans l'herbe, un peu à l'écart de la route. Elle eut un pâle sourire.

 

« Pas assez rapide, apparemment. »

 

« Attends, je vais regarder, » dit Vala.

 

« Ne m'approche pas. Tout ça, c'est aussi de ta faute. »

 

« Je suis ta sœur, même si dans cette réalité... »

 

« Tu mens comme tu mens aux autres. Je sais que tu n'es pas ma sœur. »

 

« D'où tires-tu cette certitude ? »

 

« Je sais que tu es malade. Une maladie héréditaire. Or, dans MA famille, personne n'a cette maladie. »

 

Vala accusa le coup.

 

« Ainsi donc, tu as remarqué ? »

 

« Il fallait être aveugle pour ne pas le voir... une fois que j'ai compris, tout s'expliquait. »

 

« Il faut que je te soigne, que je sois ta sœur ou pas, ici ou ailleurs. »

 

« Jamais. »

 

Devant l'obstination de Leena, Shaylon décida d'intervenir pendant que les deux Dunmore se regardaient.

 

« Écoute, je sais que tu n'aimes pas Vala, et je peux le comprendre mais elle peut te sauver. Ta blessure est quand même grave. »

 

« Je ne devrais jamais la vie à une sorcière, » acheva-t-elle d'une voix hargneuse.

 

Inquiet, le jeune homme attendait de voir si on les poursuivait. Pour le moment, ce n'était pas le cas. Or, si cela arrivait, la situation pour Leena risquait de devenir critique. Vala posa la main sur le bras de Shaylon et murmura.

 

« J'ai une idée. Mais il faut qu'elle reste calme. Je vais tenter de la guérir malgré elle. »

 

Elle se concentra pour essayer d'entrer en résonnance avec son âme. Autant celle de Dunmore, le sien, de Shaylon et de Brannon lui paraissaient si familière, autant elle reconnut celle Leena avec facilité en raison de la ressemblance avec elle qu'elle connaissait et chérissait par-dessus tout. Et petit à petit, elle poussa le corps de sa presque sœur à se régénérer. Suffisamment pour qu'elle survivre et qu'elle ne s'en rende pas compte. Il était urgent de réparer les organes internes touchés. Guérir quelqu'un avec son assentiment était quelque chose d'intense et difficile mais guérir quelqu'un contre sa volonté l'était encore plus. Elle rouvrit les yeux et fit un discret signe à Shaylon. Ce dernier pâlit.

 

« Shaylon, attends, » demanda l'adolescente alors qu'il retournait au chevet de Leena. Elle était bien pâle.

 

« Oui? »

 

« Je suis désolée de ne pas t'avoir dit que j'avais été adoptée par mes parents actuels. Pour moi, je suis une Aldwell, même si je n'ai pas leur sang, et c'est ainsi qu'il me l'ont toujours signifié. »

 

« Oh. Cela fait des années qu'on se connaît mais il faut attendre que tu aies un couteau sous la gorge, au sens figuré pour me le dire ? »

 

« Mais ça ne change rien, non ? »

 

« Si, ça change tout puisque tu m'as menti depuis le premier jour. »

 

Vala reçut la réplique en plein visage et détourna les yeux. Shaylon retourna vers Leena, toujours grimaçante de douleur. Les deux Dunmore se fixaient toujours d'un air un peu bête. Brannon les regardait d'un air exaspéré, surveillant toujours la route.

 

« Leena, je t'en supplie, tu dois laisser Vala te guérir. »

 

« C'est hors de question. »

 

« Mais... »

 

« J'ai dit non. »

 

Il se tourna vers Brannon, l'air navré. Vala leur murmura alors quelques mots.

 

« Si elle refuse, elle mourra très probablement. Et sûrement bientôt. »

 

« On ne peut rien faire ? » demanda Brannon.

 

Vala secoua la tête.

 

« Alors, on fait quoi ? On attend qu'elle meure et après ? »

 

« Brannon ! » s'exclama Shaylon.

 

Chacun se tut. Le Dunmore de cette réalité regarda les O'Connor.

 

« Vous devriez partir avant que les autres ne vous rattrappent. Ou que j'ai envie de vous vendre à la garde parce que c'est de votre faute si Leena est mourante. Votre faute... »

 

« Je veux l'aider! Mais elle refuse ! » s'écria alors Vala.

 

« Votre présence ici est une erreur. Votre existence est une erreur. »

 

Sentant que la situation risquait de dégénérer au regard que leur jeta Dunmore, Shaylon prit le bras de Vala qui avait les larmes aux yeux et l'entraîna vers le cheval et l'aida à monter. Il monta derrière elle et les deux autres prirent un autre cheval.

Dunmore regarda son alter ego.

 

« Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette situation est étrange! »

 

« Je ne te le fais pas dire... »

 

Et Dunmore regarda en direction du chemin pendant que l'autre reportait son attention sur Leena.

 

« On ne peut pas l'abandonner comme ça, » protesta Brannon.

 

« C'est leur choix, frérot, leur choix. »

 

Il tentait autant de se convaincre que de convaincre les autres. Vala pleurait silencieusement quand les chevaux reprirent la route sous le regard lourd du Dunmore qui restait sur place.

 

« Je suis désolée. » murmura l'adolescente à Shaylon.

 

« Tu as essayé, Vala. »

 

« Pas pour ça... enfin, aussi... »

 

« Pourquoi alors ? »

 

Le duo Dunmore/Brannon avait pris la tête évitant soigneusement de jeter un regard en arrière, tout comme évitait de le faire les deux autres.

 

« Pour ne pas t'avoir dit que j'avais été adoptée. »

 

« On va oublier ça pour le moment. »

 

« Tu pourras me pardonner ? »

 

« Je ne sais pas. Si tu avais une idée de génie, là, maintenant, ça m'aiderait. »

 

« Je ne sais pas si c'est une idée de génie, mais j'ai peut-être une idée de qui aller voir pour nous permettre de rentrer. »

 

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